PROSTHESIS & FUTILIS…
NOUVEAUX RITES NOUVELLES LÉGENDES ?
NEW RITES NEW LEGENDS ?
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2- Tous des rescapés de l’auberge de Procuste. Les liens sont au point de se rompre à jamais.« L’électronique feint de tenir ensemble une communauté bizarrement branchée sur un devenir que nul n’est en mesure de supputer. » La spéculation est sans chaleur et les bouteilles trop nombreuses à la mer se chahutent dans l’improbable quête d’un Graal. La grande sphère va se formant selon une stratégie sans âme et sans espoir pour les petites sphères blessées d’avoir séjourné dans l’auberge effervescente de Procuste… qui vient de changer de propriétaire.Un adieu qui s’est fait en silence. On force les mots, rares, à être pratiques, circonstanciels, nécessité faisant vertu. Tous orphelins de notre tortionnaire, père, filles, fils et mères confondus. Les petites sphères mythiques et fragiles contre la grande sphère pratique et payante. Car on paye son abonnement au fournisseur tyrannique de la communauté des branchés du réseau, synthèse bizarre - parce que encore innommée - de servitudes à venir. De qui êtes vous les serviteur pour trahir à ce point nos anciennes complicités d’heureuses victimes d’un mythe disqualifié ? Nos mondes se sont relâchés, nos cœurs se nécrosent: c’est la communauté des amitiés perdues, des amitiés perverses contre une communauté d’outils flambant neufs que le successeur de Procuste - Prothesis - tend aux sphères. Une offre sous conditions. Voici l’ère qui montre en temps réel comment un tout acquiert une nature autre que celle des parties qui la composent. La technique est la part autonome qui fait émerger cet hiatus. Elle règne sur les sphères interfacielles des frères séparés. Elle emmène tout son petit monde dans son mouvement. On dit qu’elle divise pour mieux régner. C’est inexact. Le mouvement mouvemente, le bouillon n’a ni avant ni après, il est toujours primordial, il répugne au temps linéaire, mais il laisse dire, il ne s’offusque pas de se laisser attribuer un nom, pour un bouc il se fera bouc, pour une nain brun - l’étoile nomade -, il se fera étoile nomade, pour l’esthète il fera le beau. Procuste était beau ? Prosthesis le sera aussi ! 3- Parce que le mythe aussi fait retour, s’en étant allé il s’en revient, se narrant au jour le jour. La grande sphère mondaine est le serviteur du processus primordial, raconteur de légendes non encore comprises par les scribes des petites sphères. Qu’attendez-vous pour me donner un nom ? Je m’appelle Prosthesis et je vous offre ce que l’autre vous a enlevé, ce dont il vous a amputé, moi aussi, je peux être cruel et bon, je peux assouvir vos soifs et combler vos manques, je vous offre la peau bonne, le rein parfait et tous les bijoux dont se veut parer Gaïa, votre, notre socle dans le grand tout. 4- Avec la communauté technologique, avec Prosthesis, celui qui ajoute, c’est un Ouranos nouveau qui prend et pénètre la terre et fait renaître les petites sphères au milieu des cendres des anciennes sphères défuntes… 5- Après les héros flamboyants des âges mythiques, l’espèce entre dans l’ère des vrais tyrans. On ne joue plus que selon des règles de stricte obédience et obéissance ; le règne des multiples P du Pouvoir : les Pères, les Prophètes, les Patriarches, puis les Princes et leurs Prétendants, les Papes, les Philosophes appointés, les Prêtres. Plus près de nous les Philantropes, les Présidents, les Politiques les parrains et les Policiers, la Performance et la Prothèse… L’Occident, toujours juché sur ses chevaux de Troie, poursuit ses visées sur les Citadelles mythiques se reinstaurant toujours : la ruée vers l’Ouest, vers les terres nouvelles et les nouveaux modèles, les nouveaux objets, puis l’homme nouveau, mais toujours un peu plus amputé de son être charnel, sa vitalité contingente, toujours un peu plus abstrait pour s’encosser dans l’économie universalisante des nombres. Procuste « le Lent » a été remplacé par Prosthesis « le Véloce », celui qui remplace des parcelles malades du corps économisé broyé dans le vortex de tout ce qui doit circuler de plus en plus vite dans un temps de plus en plus comprimé. La « table de dissection » remplace le lit de Procuste pour « exprimer la fonction spécifique de la machine célibataire qui est solitude et mort » (1). Le jeu, si jeu on peut nommer cette mise en place du « Parc Humain », s’est emballé. Les symboles, les héros, les flèches du Temps, y compris ce qu’un temps on appelait art, tout s’engouffre, « annulé, blanchi jusqu’à l’abstrait, l’informel, le conceptuel, l’atonal, le minimal » (2), avec un sale bruit suintant dans le vortex numérique. L’espèce continue de se multiplier, maître-déchet de sa Sphère racornie, mise à l’étiage de sa petitesse de créature domestiquée, vivant de mages maigres et de vaches folles… Tout ce qui ne circule pas reste sur la brèche, une brèche dont un Ouragan humainement concocté risque d’en achever la Rupture. Déchet ou superflu, utile, inutile ou futile sans plus ? 6- Il fallait nommer Prosthesis, le hôte et le serviteur du grand ordre numérique, son chaman initiateur. Voilà qui est fait. 7- C’est à ce point hallucinatoire de la Fable que les entreprises traverses peuvent devenir pertinentes. Dans les interstices de l’utile et de l’inutile chatoie l’énergie des déchets de la grande Sphère contemporaine. Futilis (Qui laisse échapper une lourdeur contenue) tente une fuite hors de cette machination, une échapée d’entre le broyage de l’utile et l’incinération de l’inutile. Fuite lente, révolte décélérante des masses dites « mortes », masses faites d’îlots encore épars, grumeaux de groupes, fragments de foules, débris de cultures, le peu de oui qui reste quand tous les non ont été proclamés. « La vraie gratuité, ou futilité, dont je fais modestement l’éloge ici (…) échappe au système, au dogme, à la tentation d’ériger sa pensée en loi universelle, au mot-erzats, à l’utile répertorié comme tel, elle n’est intéressée qu’à débusquer le « petit plus », mais un petit plus sans contingences, qui peut tout. Elle est à l’affût du petit défaut autour duquel s’accrétionner (…) » (3). 8- Il n’y va plus de séductions féroces, forçant les vieilles sensibilités devenues sensibleries, pas plus qu’il n’y va de la brutalité, forçant l’ancienne violence devenue barbarie. Il y va de la transmutation des valeurs hors de l’utile trop homogène, hors de l’inutile trop redondant. Hors de la tyrannie voluptueusement amputante de Procuste (celui qui ampute ou étire), hors de la contrainte thérapique et remodelante de Prothesis (celui qui ajoute), il y va de Futilis (celle qui laisse échapper une lourdeur contenue) - Procuste, Prosthesis, Futilis, puisque désormais il s’agit bien, pour le poète et ses amis, de restituer à la Fiction sa vitalité nominaliste afin d’éveiller ses Héros un temps trop long oubliés. 9- Futilis : tout un chacun qui, « est capable de ne dépendre de rien d’autre que de la nécessité intérieure…alors qu’on tenterait de lui attribuer l’incongru avec soulagement. Avec elle s’élargit la marge où on griffone les rêves véritables de la vie, pas des choses parfaitement réalisées, non, des choses vivantes qui grouillent d’une façon apparemment anarchique ("dégoûtantes" comme des organes, des vers, des larves, des chairs entremêlées), mais finissent, si on regarde bien, par former des figures. Dans le dessin formé par ces figures résidera l’élégance d’une vie ». (4) 10- Nous déclarons que la légende Prosthésienne doit être nommée et racontée - comme celle de Procuste, de Futilis et de quelques autres à répérer -, pour le(s) sortir des mécanismes de l’inconscient. Si rite il doit y avoir, si l’initiation reste la condition de la venue au monde, réinventons les figures de Pure Fiction capables d’exorciser les corps et les esprits économisés par Prosthesis, afin de les restituer à une vie plus élégante, à une immunité restaurée. J.G. (1 à 4 : Shukaba, May Livory.)
Liens/links :
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2- We are all survivors of the Inn of Procrustes. Our links at the point of irrevocable disconnection. « Electronics makes pretense to hold together a community strangely connected to a future which no one can endure. » Thought is without passion and the superfluity of bottles cast upon the sea compete in confusion in their quest for a profane Grail. The great sphere will create itself according to a plan with neither soul nor hope for the small spheres, maimed during their stay in the turbulence of the Inn of Procrutes…whose proprietorship has changed. A silent farewell. Uncommon words are made practical, circumstantial, necessity made a virtue. We are all orphins of our tormentor, fathers, daughters, sons and mothers mingled. The mythical and fragile small spheres indebted for the products of the great sphere, must pay fees to the tyrannical provider of the interconnected network - bizarre synthesis because still nameless - of upcoming servility. Whose servant are you to betray to such an extent our ancient association of happy victims of a dishonored myth? Our worlds grow flaccid, our hearts begin to die: this is the community of lost and perverse friendships opposing a community of flashy new tools which the successors of Procrustes - Prothesis - offers to the spheres. An offer with conditions. Now is the era that shows, in real time, how an entity acquires a nature other than the sum of its parts. It is the autonomous method which allows this breach to occur. It rules over the interfacial spheres of displaced brothers. It envelopes everyone within its movement. It is said that it divides that it may better rule. That is false. The movement animates, the primordial soup has neither before nor after, it is always primoridal, repudiating linear time, leaving room for discourse, it is unoffended when named; called a buck, it will be a buck, called a brown drawf - the wandering star - it will be a wandering star, for the aesthete, it will be beautiful. Procrustes was handsome? Thus will be Prosthesis! 3- Because the myth also reappears, having left, it returns recounting tales of itself day after day. The great worldly sphere is the servant of primordial process, teller of legends not yet believed by the scribes of the small spheres. What are you waiting for to name me? I am Prosthesis offering you that which the other took from you, that which he chopped off, and I, too, can be both cruel and good, I can satisfy your thirst and fulfill your needs, I offer you new skin, a perfect kidney and all the jewels with which Gaia would adorn herself, your - our pedestal in the grand scheme. 4- With the technological community, with Prosthesis, he who adds, it is a new Uranus who takes and enters the earth to give a new life to the small spheres within the ashes of defunct old spheres… 5- Following the glorious heros of myth, mankind is entering an era of real tyrants. One can only play by strict rules of obedience and compliance; the rule of the multiple P of Power: Papas, Prophets, and Patriarches, Princes and their Pretenders, Popes, Professional Philosophers and Priests. And in our time, philanthropists and Presidents, Politics and Police, Performance and Prothesis… The West, still sitting on the Trojan horse, takes aim on the always revivifying mythic citadels: the westward movement toward new lands and new forms, new tools and finally, the new man, his corporeal being ever more amputated, his vitality incidental, always more impersonal so that he may be constrained by universalizing economic numbers. Procrustes "The Slow", has been replaced by Prosthesis "The Swift", he who replaces parts of the body, ill and amputated, crushed within the vortex of all that which must spin faster and faster in a time more and more compressed. The "dissecting table" replaces the bed of Procrustes in order to "express the specific function of the machine célibataire which is solitude and death." (1) The game, if the establishing of a Human Park may be so called, charged forth. Symbols, heros, the arrows of time, including that which was once called art, are all engulfed, "annuled, bleached into abstraction, informal, conceptual, atonal, minimal" (2) with a dirty, oozing sound in the digital vortex. Mankind continues to multiply, scummaster of his shrivelled sphere, reduced to the least of domestic animals, living on emaciated maggots and mad cows… Those who do not spin remain in the breach, the breach by which this man-made hurricane may well destroy itself. Trash or superfluous, useful or futile and nothing more? 6- Prosthesis had to be named, the host and the servant of the great digital Order, its shamanic initiator. It’s done now. 7- It is at this hallucinatory moment in the fable that its transverse undertakings may become relevant. In the useful and unuseful interstices, the energy of the refuse of the great contemporary sphere sparkles. Futilis (who releases the weight which is contained) tries to escape from this system, an escape from the grinding of the useful and the incineration of the unuseful. A slow escape, a diminishing revolt by the masses called "dead," masses composed of scattered islets, small groups, fragments of crowds, cultural debris, the small yes that remains after all the nos have been proclaimed. « The true gratuity, or futility, which I modestly praise here, escapes from the system, from the dogma, from the temptation to elevate its thoughts of universal law, from ersatz words, from such a useful repository, interesting itself only in exposing the aspirant, the unrestrained aspirant, capable of anything.It is attentive to the expanding flaws which rotate around it… » (3) 8- No longer are there fierce seductions straining old sensibilities that have become sentimentality; no longer any brutality straining old violence that has become barbarity. There is the conversion of values beyond overly homogeneous utility, beyond overly redundant uselessness. Beyond the voluptuosly amputated tyranny of Procrustes (he who amputates or stretches), beyond the constrants of therapeutics and remodelling of Prosthesis (he who adds), there is Futilis (she who sets free a weight) - Procrustes, Prosthesis, Futilis, since henceforth the problem is, for the poet and his friends, to restore to fiction its formal vitality so that it may awaken its heros for too long forgotten. 9- Futilis: everyone who "is capable of depending on nothing other than his interior need… while one is tempted to attribute to her the incongruous with ease. With her is enlarged the margin on which one can scribble the true dreams of life, not things perfectly realized, no, living things which crawl in a very disorderly way (’disgusting’ such as organs, worms, larvae, mixed flesh), but ending, if one looks carefully, with the formation of figures. In the picture formed by these figures will reside the elegance of a life." 10- We declare that the legend of Prosthesis must be named and told - like that of Procrustes, of Futilis and of others to be referenced - to remove them from subconscious mechanisms. If there must be rites, if initiation remains the condition of entering the world, let us reinvent the characters of pure fiction capable of exercising the body and the minds spared by Prosthesis before restoring them to a nobler life, a reinforced immunity. Transal. RdlR.
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