SUCER LE MIEL AU CREUX DES PIERRES



Roncerel in Objet perdu; 1995  Eric Roncerel, gouache 1993



Le FONDS pour l’éveil


A quoi sert le sacrifice, ici celui de la croix pour nos contemporains ? Cette croix d’abord est non-apostolique ou, pour moi, détournée à dessein de toute sa sainteté névrotique pour une bonne visibilité universelle. Mais : d’abord c’est une croix pour avortons mâles, nés dans un monde marchand-matriarcal, c’est-à-dire un radeau de la méduse, celle, plate, qui instaure ce monde aplati. L’HOMONOVUS “ éveille ” ces mâles, joliment exposés nus sur le symbole devenu ; le gri-gri des hystériques et farfelus demeurés de tous poil, qu’on éveille pour les inviter à se glisser à nouveau dans la peau de “ l’homme éternel ”, le guerrier noble, le toréador racé, les indicibles clitoridiennes, les tendres au cœur de héros, tous ceux qui du hasard ont reçu en partage la nécessité d’une grâce. Avortons, sans doute (biologiquement) mais “ sublimes ”, s’il en ont les capacités voire la prédisposition… Nietzsche dit (Par delà Bien et mal) : “ Ce sont de tels hommes (avortons) qui avec leur “ égalité devant dieu ”,.. ont regné jusqu’à nos jours sur le destin de l’Europe, jusqu’à ce qu’enfin soit produite une espèce amoindrie, presque risible, un animal grégaire, quelque chose de bienveillant, de maladif et de médiocre, l’Européen d’aujourd’hui ! ”. Rajoutons l’effet machine à surpeupler : l’Africain, l’Indien, l’Arabe, le Chinois tout ce qui, trop nombreux s’entasse dans le char-navette de ramassage, dans la benne pour avortons mème plus sublimes. Le résidu, tant pis ou tant mieux, ce n’est plus le problème, pas plus pour le bipède que pour le rat. Donc le sacrifice est inscrit dans la nature de la réalité bio-socio-capitalistique pour éveiller et lui soustraire les adorables Breachers.



Comment le Breachertransvalue”-t-il - le complexe de castration, la découverte archaïque du désir de la mère dont il est l’objet perdu, donc des entrailles fécondes de ce qui devient aussi l’impureté de la vie ? Freud attrape la légende de Moïse pour créer le juif qui, lui, fait naître son Dieu Yahvé terrible, en d’autres mots, pour établir son identité virile dans les plus hautes sphères des Totems-tabous. A tel point qu’il s’imagine – découverte ! – le Golem, où le Père fait naître son fils en le tirant de la glaise, puis le sculptant à son image. Le Père devient fécond d’un fils "pur", pureté qui fera des (é)mules: (Mahomet sort "pur", circoncis et sans cordon ombilical du ventre de sa mère). Le christianisme fait évoluer la chose en apportant une poésie ou une perversion virile intéressante. Le Fils de l’homme sort des entrailles d’un hermaphrodite, une vierge femelle inséminée par l’esprit pur du Père dont il prend ensuite la place pour ètre universellement adoré. Il est l’objet hybride, le bébé et l’argent du beurre, homme nu, exhibant sa souffrance pour éblouir par sa loi subtilement castratrice les fils de famille cette fois doublement châtrés : il n’y a plus ni père (tué par Jésus) ni mère (à qui il est accordé l’esprit du défunt) mais la Loi Matronne et Patronne d’une multinationale bientôt "femen" de prostitution. L’histoire des religions, selon Boe-Freud, aboutit à la conclusion que l’homme crée l’homme, pour former la nouvelle horde excitée, bruyante, au service du look "marquée" jusqu’à l’in-supportable. Le complexe de castration devient que je désire mon propre désir, Narcisse (tant il est vrai que les Grecs avaient tout compris) qui, s’il n’était que frustré de l’objet de son désir, meurt. Mais Narcisse, Nathanaiel, sourds aux esprits du passé qui font écho vainement, sortent de la horde, beaux, hybrides, fils de leur propre materpaternité, avancent vers le miroir de la Rencontre, beaux, deviennent "le Tendre Guerrier", s’abouchent avec leurs frères-sœurs, les je-nous de toutes Races (à condition que la bionature les y prédispose) pour leur transmettre leur souffle altrérotique. De leur étreinte jaillit la lumière du ciel avec ses étoiles guides et travailleuses.








Résumé de l’ouvrage © 2007
Sucer le miel au creux des pierres (Desnel)
Reconnaissons tout d’abord que le sacré et le désir communautaire ont fait leur nid dans ce florilège de “ métamorphoses étonnantes, tendres, cruelles, charnelles“ Ce livre d’exorcismes, aux résonances multiples, forme une trame romanesque prophétique où dominent des personnages troublants, tour à tour bourreaux et victimes. Les événements se déroulent dans la moiteur subtropicale, “ entre jungle et cité", à la frontière de l’Amazonie… Dans un “ phalanstère ” à proximité duquel passe la Horde, foule juvénile et résiduelle d’une ère accomplie, des initiateurs attirent leurs candidats, scrute leurs cœurs et leurs reins. Tout au long de ces pages, les "élus" sont tenus de raconter une histoire, puis jugés à l’aura qui s’en dégage, à la séduction que leur parole mais aussi leur figure exerce sur les hôtes. Rejet des autres. La forme fragmentaire de cette épopée épouse parfaitement son objet, des bribes de textes terrifiants et autonomes échappés de bibles maléfiques, mèlent le caprice criminel des politiques et des savants, ges ou sexes, catapultant la chair dans le verbe ; ce Babel se construit sur les déchets humains de la philosophie, de l’ethnologie et de la littérature, créant un secouement du cerveau… On est tout d’abord effaré devant la cruauté de certaines images qui nous est renvoyée de nous-mèmes, perduta gente. L’homme a perdu son immense supériorité le jour où il a abandonné le divin, sans perdre le souvenir d’y avoir cru.  Il convient de se livrer à la force et la richesse de ce texte, qui saisit de l’esprit autant que de l’imagination.




Couverture

EXTRAITS : 





Envoyez-moi des gens, je les mangerai et les vomirai rénovés

4. “ La route de toutes les demandes, une brocante riche de perdition, du matériau non initié, avec néanmoins quelques pièces de choix. A vos proies ! avait proclamé G.M. avec sa fougue habituelle. Sur ce chemin, la horde quètait toujours quelque chose, une galette de maïs, une drogue, un corps, rien que de l’ordinaire… Nous, nous n’en voulons pas de l’ordinaire, nous sommes en chasse de prodiges ; on va radicalement changer l’esprit de la maison, on va en finir, pour ce qui nous concerne, avec l’ancien esprit, c’est notre prodigalité à nous, on ne réforme rien, on transforme, nous le voulons informé du pire et, partant, infiniment séduisant. Nous travaillons à mème un précipité, une matière du dedans, à la manière des alchimistes. ”



C’est pourquoi je vais continuer de lui prodiguer des prodiges

9. La horde a l’âge d’une violence latente, sa sève est plutôt nerveuse, puisque sévit, tout naturellement, avec une immémoriale brutalité – en raison de la rudesse qu’impose sa vie d’exil –, la loi de la sélection. Qu’en sait-on de plus ? Que parmi elle certains se prétendent “ modifiés ”par des mains manufacturières… Mystification ? La question n’est pas de savoir qui ils sont, mais s’ils ont le potentiel de devenir l’objet et le sujet de notre désir.; nous les voulons prodiges, ductiles, images d’un désir disponible, prèt à ètre affecté. Ou appelant à elles un désir neuf.





ils empoignent arcs et javelots, ils sont sans pitié

 ce ne sont pas nos mains qui ont versé ce sang

68.  “ Réjouissons-nous que nos coutumes n’aimantent pas plus que cela la mauvaise ferraille. Si la horde fait écho, cela prouve bien que nos coutumes résonnent avec bonheur. Et quoiqu’elle participe dans son ensemble de la masse critique, la horde contient de bons restes, riches en  intelligence vitale qui ne demandent qu’à s’affecter en se bonifiant. Le mot d’Héraclite lui va comme un gant : "Un objet au hasard abandonné, le plus bel ordre du monde". Ouvrons nos portes à ces aimables dépôts. ”




Et encore et encore, nous payerons cette inconséquence d’infmes sacrifices ! Il faut cependant commercer avec la mort. Et vite. Et bien. Puisque la vie se résout en réseaux, se dérouille en cédéroms et fait " intercourse " sur internet., laissons la vivre et occupons-nous de l’à-mort, ça biologise mieux : famines, massacres, agonies bien ressenties ; tortures et autres chatouilles. De quoi on crève bien, la mort et l’à-mort bien ajustés, comme chaussure à son pied, comme l’indifférence impavide – encéphalogramme plat après passage à tabac. Il ne s’agit pas de violence gratuite, non ! oh non !, mais chèrement payée, pas de souffrance aplatie sur interfaces et tabassage virtuel ! Phrases à précipités, phrases virales, venez-à-nous, virus – j’accueille, me recueille et je nous offre à la chance…





Nous les subvertissons pour un monde autre.

La Circoncision.
Le rite n’est pas nouveau, j’en conviens, mais il a perdu sa prestance. Il lui faut un nouveau régime initiatique en vue d’une alliance nouvelle. Sinon, c’est clair, l’espèce tout entière s’achemine tout droit vers son extinction. Face au précipice, optons pour la lévitation. Pour cela le corps doit se soumettre à ce petit prélèvement intime. Je te prédis une symbiose autre entre ton corps et ton esprit, et pareillement entre ceux-ci et ceux des autres, un beau centaure renaîtra de cette mutilation. Sinon, je te l’affirme, ta déchéance sera totale.





L’élégance de la tragédie peut seule reconstituer l’unité perdue.

Si quelque chose existait qui fût dieu et qu’il eût été possible de prendre un moment sa place, j’emprunterais quelques minutes de son temps éternel pour raboter dans toute cette espèce dite humaine la part – trop considérable ! – qui constitue sa nature veule et vile. Puis je la laisserais vivre – ou revivre – nue, animalesque, mais plus guère bestiale…, sans autre chance que de rester belle ou de disparaître. ”




Magie phéromonale… Le cheval calciné devait avoir pour contre-pouvoir une parousie, comme la découverte d’une supernova conférait aux cieux exsangues un fluide rénové dont des particules venaient ensemencer un arpent d’univers. Quelque chose, quelqu’un prenait une forme scandaleuse pour surprendre l’ennui assassin, pour exterminer la mort le temps d’une chimère 


“A quoi bon cette tribu de si belle prestance si elle ne passe pas par notre couche et ne s’émerveille guère de nos œuvres ? Si elle se gausse de nos imprécations et de nos anathèmes ? Ses glorieuses agitations nous sont des crimes transmises de génération en génération. On nous dit que, selon la logique d’une quelconque scène primitive et pour que s’accomplisse sa destinée, on tue son père et on couche avec sa mère. Mais on ne tue pas son père, on prend la place d’un assassin : on ne couche pas avec sa mère, on connaît une femme pour qu’elle ponde un assassin. Nous savons de l’espèce sa nature fratricide. Couvant au tréfonds de son cœur égaré mille facettes d’un bonheur immonde et d’une joie coupable, et faute d’invertir son impiété en enchantement et lumière, elle ne procrée que du pire. Consumez-vous dans vos affres, rejetons vindicatifs et impossibles, la désolation croissante de votre monde est notre réconfort. Hors de cette abrupte vérité, nous suffoquerions d’inespérance. Nous sommes lâches pour d’héroïques raisons.”


34. Etions-nous devenus sans le savoir et sans le vouloir les anges de l’apocalypse ?, mais d’une apocalypse d’autant moins divine qu’elle avait été ourdie trivialement par les victimes et les maîtres eux-mèmes, en parfait accord, qu’ils succombassent au (ou vainquissent du) sort impitoyable dont ils avaient été les initiateurs. Comme s’il nous était donné d’ètre, selon la formule, ” l’étreinte invisible de la vie en son propre pathos ”, de par ces singulières prédispositions immunitaires que possédaient désormais en quantité nos corps à force de s’ètre frottés depuis si longtemps aux molécules, radiations et contagions dissonantes qui s’entassaient et croissaient continûment dans l’air. 




36. Ne jamais oublier ces quelques règles pratiques pour assurer la survie et la vie au monastère. Faire en sorte que la horde sache qu’on ne peut ètre que modérément nourri ici, qu’on ne cache aucun trésor autre que, mettons, spirituel, prudemment hédonistique, que vous connaissez votre boulot de baston mais – que les autorités soient rassurées – vous ne constituez pas une armée clandestine… Regarde-moi faire, cher Arturo, ces corvées élémentaires confèrent l’élégance aux plus extrèmes des pensées…



38. ” Ne plus surcharger l’empire mondial du pouvoir trinitaire – argent-technique-monothéisme religieux ou monocentrisme laïc – d’un superflu de Kultur, de corps, de besoins unilatéraux. Il en déborde. Sept millards de tètes : le résultat est pathétique, comme si toute la faune maritime se trouvait comprimé dans un aquarium de mille mètres carrés, comme si toute celle de notre proche Amazonie était parquée dans un jardin de banlieue, ou comme si nous accueillions ici, dans notre observatoire,  journellement, le flux tendu de la horde. Ne pas encourager cette inflation est un devoir, certes, mais ne pas comprendre le mouvement qui agit sur l’espèce et son biotope est un crime, celui du déni de la réalité. ”




42. mème si ses fléaux leur arrachent des cris

 Les corps eux-mèmes paraissent peu à peu atteints par les effets de cette radiation. Ce qui se présente sur l’épiderme comme une amorce de rides, constitue en réalité d’infimes brisures. Imperceptiblement les tètes se fendillent, soulageant les cerveaux de leur indigestion mentale. Les suppurations émotives se mèlent à l’atmosphère, infectent l’air. Ce gaz affectif qui enlinceule toute chose, du mème coup la rend apte à surprendre ou à ètre surprise, la met en condition d’attendre preneur. Pas impossible qu’un cri déchirant ou un événement brutal achèverait de fendre certains corps tout entiers, les transformant en une matière liquide. Corps en flaques dans lesquelles d’aucuns pataugeraient avec délectation.



tendez l’oreille, venez vers moi, écoutez et vous vivrez

45. Il peaufinait son rite : “ J’applique un sceau à mème la chair, une sorte de pacte charnel, une alliance nouvelle manière qui vaudrait pour les deux sexes, une petite mutilation qui les améliore; je cautérise leur morcellement en prélevant un petit bout de chair. Oui, comme dans cette usine où j’irais bien faire un tour, une circoncision à ma manière, fessière plutôt que phallique puisque j’estime que derrière tout bel esprit se cache un beau derrière. Laissez-moi vous expliquer… ” Il séquestrait durant quelques jours ses novices, en faisait des esclaves amoureux, le temps de les mettre en condition. Puis, au fa”te de son pouvoir d’initiateur, prélevait un "dé de fesse" sur leur anatomie, blessure initiatique laquelle, une fois joliment cicatrisée, marquait la (ou le) novice d’une petite balafre de beauté, comme on eût dit un tache de beauté.  Un surplus d’âme È, précisait Enrique



46. Vous voilà en proie au chaos, déterritorialisés, sans boussole ni sextant, dérivant sur un océan qui davantage chaque jour se démonte. Derrière vous, nul port d’attache, à l’horizon, nulle terre.





Vois, je le bénis, je le rends fécond

54. Rudoyer l’espèce jusqu’à la métamorphose ! et que ça saute ! Le vieux cheptel, on s’en contre-moque, tout destin est bon pourvu qu’il soit fatal ! On ne le pleurera pas ! Seule la sève de jouvence mérite louange et encouragement, à condition qu’elle pousse ses formes à s’épanouir avantageusement et soit de nos mains captive ! Et tout sera fait, tout sera dit.



56. Il ne s’étonnait pas trop (il s’en amusait volontiers) qu’on lui collt (à lui et aux initiateurs) des épithètes tels que "L’Oreille qui parle", "Le Chamanon", "Le Raboteur" ou "L’outre-solipsisme", ou encore, plus banalement, le "maître de céans". Cela relevait plutôt de la poésie, des usages amérindiens relevés par les ethnologues



il y aura des cours d’eau abondants au jour du grand massacre

65. Avise le sol, bipède turgescent. Tu piétines leur ventre, Mater gluante ou desséchée, prolifique de larves ou de scorpions. Tes jambes sont des pales, marcher sur elles, patauger dessus, revient à les féconder pour qu’en émergent les générations futures – peu importe la forme – carnassières, virales mais étonnement cosmiques sans aucun doute. T’ignorais cela, que ton corps mort pouvait ètre fécond par là où tu l’ignorais et que, je parie, tu l’ignores encore ! Je te ferai un dessin le jour propice.







ils chassèrent les fils d’arrogance et l’entreprise réussit
entre leurs mains

66. Et nous de rire : "Mais qui prouve seulement que cet ordre existe ? Qui prouve que quiconque nous voit ? Et si la structure du monde c’était nous ? Et si c’était nous aussi qui avions allumé, une à une, toutes les étoiles du firmament tout comme, une à une, selon notre bon vouloir, nous les éteindrons ?" 


celui qui dispute avec Shaddaï a-t-il à critiquer ?

70. Dans le ranch, peu après, se mit à circuler la rumeur que G.M. était mort. Mort depuis longtemps de surcroît. Avant mème son installation dans le camp ! Sa tour méritait donc bien le nom de "Mausolée". Etait-ce une nouvelle ruse de l’intéressé ?



Je l’effacerai dessous le ciel

71.  “ Tous ceux qui, ayant le talent de comprendre et tous ceux qui, comprenant, nous séduisent par quelque prodige mais qui, après nous avoir séduits, se dérobent soudain comme on reprend une parole, tous ceux-là paieront pour leur impudence. Tous ceux qui entrent dans notre groupe avec le laissez-passer d’une prodigalité, puis trahissent ce privilège et décevant leurs hôtes, seront maudits et renvoyés dans la horde. Tous ceux qui craignent les rites de passage auxquels ils ont consenti à se soumettre, puis reculent vaincus par cette crainte, seront bannis de la communauté et, dans la solitude de leur morcellement et les épreuves de leur errance, devront trouver d’autres ressources d’inventivité ou disparaïtre ”



il ma délivré, donné du large

78.  “ Nous sommes perdus, comme l’objet d’Héraclite déjà évoqué, et en cela nous sommes le plus bel ordre du monde. Peuplez-moi ça juste ce qu’il faut de prodiges. ”




je suis celui qui scrute les reins et les cœurs

80. ” … Songer promptement à la réparation du défaut constitutif à l’ensemble – à l’instar d’autres règnes du vivant dont il est vrai, si biparité il y a, celle-ci ne porte pas à conséquence. Le mollusque n’est pas défaut, le rut du poisson chat ne se manifeste pas en rle sous ma fenètre, on ne demande pas aux rats de rédiger une Déclaration des droits des rongeurs ni à un colibri de chanter la Traviata, seul le double Sapiens ne se contente pas de compter les lunes, il lui vole le Symbole. ”



le jeune homme aura le mème sort que la vierge

82.  Alors réjouissez-vous dans vos cubes, vous ètes soumis à un rite, votre désincarnation physique est une initiation, le monde vrombit, rugit au son des roaring-men, des chamaniques esprits, des medecine-men ; oui, entrez dans votre cube et préparez-vous, en dormant, à un voyage galactique hors l’espace-temps, car dans l’espace-temps immédiat et rance vous n’avez plus rien à faire. Devenez métaphysiques, oui, c’est cela, devenez métaphysiques, vous n’en pouvez plus de ne point l’ètre, hors d’elle le réel n’a qu’une valeur de travail, de sueur et d’ennui pornographique, hors d’elle la réalité est impure, hors d’elle, mème le monde des germes devient fiction mauvaise. Ne sortez surtout pas de votre cubateur ! Pas avant que le rève métaphysique ne vous réveille et vous refasse une santé.

83. Alors entrez dans vos cubes et faites-vous invisibles pour rena”tre là où nul ne ment plus ; faites confiance à votre couette et attendez – ce jour prodigieux, après la tornade – le clonique baiser qui vous tireras rénovés des bras de Morphée. Parole de Natanaïel ! ”




toi qui est assise au milieu des jardins

84.  Tu m’as attiré à toi et m’ordonnais d’abuser de ton corps vierge. Puis, toute en effervescence, cette injonction : "Transperce-moi, viole-moi, tue-moi !" Nous voilà au cœur du désastre, voilà ce qui sur les ruines de la parole abyssale du dieu halluciné menace la Terre et ses corps souffrants. Il faudrait sauver mille fois ces corps de l’ordre des nouveau pères pervers qui sont en passe d’instaurer leur terreur nouvelle



mieux vaut un gamin insensé mais sage

87. A terme on pressent que le Rien, bien réel, si bétonné d’impossible, n’est pas définitif, qu’il n’est qu’une interface dans le plein ou le vide instructurés – ou, encore, plus charnellement, un spasme se jouant perpétuellement du vide et du plein, régnant comme une idole creuse sur l’improbable foisonnement du chaos.



peut-on sucer le miel dans le creux des pierres ?

92. Réponse de G.M. : Il y a des tètes qui ne résistent pas au regard lucide qui les observe. Ces créatures-là n’auront pas le destin facile, la violence les guette, ils sont éminemment mobilisables mais quelque peu bavards



93. Le je s’efface pour céder la place aux mythes résistants. Observons des formes de vie tératologiques – main, œil, oreilles, tous sens en symbiose – voilà une peine : une femme qui colle sa tète à celle d’un homme blessé – voilà un drôle d’oiseau dragon – voilà une table austère avec dessous juste des jambes paysannes – voilà le lézard dont la queue sectionnée repousse – voilà deux garçonnets dans un arbre – voilà un phallus de centaure dont l’éjaculat étincelant vient à consteller le ciel – voilà tout un petit monde qui se distrait entre ville, montagne, forèt et qu’allaite une opulente femme buisson au con solaire. Je ne retournerai pas à Chicago ou Paris, je rentre dans mes terres, je suis assez riche de dépense avec ou sans emploi pour réhabiliter "la pègre et les rois". Mon nom est Florian, sorti du creux des pierres, je t’aime, ce soir, sous la tente, buvons, fumons.



en tout animal ne sacrifie que la bète

93/94. Dans cet Empire où dieu l’Unique, dans sa toute puissante bestialité, nous enseigne l’infidélité, l’indifférence, le cynisme, le mépris de l’autre (…) Demeure un rève : un beau rève chaleureux : réinstaurer les brûlures de l’enfer, ferveur dantesque pour un corps fiévreux et désir compulsif pour mes folles : toute la poésie de la cruauté primordiale ; la quète difficile mais passionnée parsemée de trèves, de provisoires espaces de rédemption. Désirs, douleurs, conflits, réconciliations, rires, larmes. Que dieu sorte de la bouche des morts et nous réapparaisse diabolique, c’est-à-dire Centaure multiple drapé de splendeur coupable et d’amour rebelle pour d’ardentes chairs à jamais inassouvies et toujours disponibles !



voici un homme dont le nom est germe

98. Sexe, sexe, je t’en conjure, continue de me surprendre, persiste dans ta pénétrante volonté ! Les accouplements étaient clandestins. Plus question d’ètre pascalien, plus question de faire ployer la machine ; il fallait la dérégler quand l’occasion se présenterait… Absolument mixer les identiques et les brutes. Il voulait dérégler ses vaches (en mettant justement à profit leurs périodes de rut…) afin de donner sens à son labour, à sa fermette et à tout ce qui s’y passait. Il voulait faire de son petit cheptel un cheptel d’exception, réintroduire de la nature dans la nature dénaturée et observer cette expérience d’un genre nouveau…




afin de faire trembler les cœurs, de multiplier les chutes

102. Il a beau plonger comme à l’aveuglette, ce saut est avant tout esthétique et audacieux, il rend léger le corps et, partant le protège des abysses plutôt qu’il ne l’y projette. Car l’homme ne chute pas, il transdescande d’un degré trop haut placé dans le désordre – d’un degré extrème – vers une profondeur rassurante, et depuis longtemps oubliée. ”





et ils reconnaîtront que je t’ai aimé

103. On écoute parler la grille de la fable au jour le jour s’inventant. Notre petit spectacle tonifiant, dans le grand jeu exsangue, sans cesse nous ressuscite et nous distrait de nos manques et de nos épuisements. Savoir le peuple malhonnète nous est une chance que nous mesurons à l’aune de notre propre ruse. Toujours nous cultivons l’inquiétante étrangeté ; notre nocturne reptation fait sursauter la maisonnée indolente. Le gaz émotif nous nourrit, le mal pur orne de bracelets d’or tes poignets habiles. Nos turpitudes extra-fœtales, l’amour des mots en suspens, les seuls qui forment des plis toujours prèts à se déployer, qui tranchent à contre-matière, le bonheur jubilatoire d’inventer des ab”mes comme d’immenses fosses pour y ensevelir ce qui se veut trop humain. Innombrables les fables qui engendrent le désordre. L’épouvante nous est un baume, la rage nous muscle le cœur, le creux des pierres nous distille du miel. ”




je mettrai sur tous les reins un sac

105. La grande question : est-ce la mchoire cannibale qui génère les conflits, la peur et le pouvoir, ou l’inverse ? La cause première est-ce la proie offerte à la dévoration, ou l’outil qui institue le dispositif de la chasse ? Il paraît juste d’affirmer, se dit-il, que le désir de dévoration est le désir fondateur, du protozoaire au sommet du vivant : l’hominien “ subtil ”, doté de mille petits désirs de dévoration, de mille petites mâchoires et de cette intelligence constamment en éveil qui s’emploie à diversifier ses proies et qui va mème jusqu’à en créer ex nihilo pour nourrir sa rage dévoratrice (…) Nous n’enterrons pas nos morts par tendresse pour les vautours, ces martyrs ailés, ces défunts de toujours que la mort enivre. Donc, la rage de vivre ne se conçoit que dans un milieu de plus en plus hostile auquel nous a convié malgré lui le charnier humanitaire d’une autre ère, pour un temps expurgé de ses coquetteries vénales…





mais l’esprit lui-mème intercède en nous en gémissements inexprimables

106.. On détruira sans doute un jour l’immunité du vivant en instrumentalisant le principe de vitalité à la manière de la théorie de l’information généralisée. Le forage au plus intime, au plus profond du vivant répondra, à cet égard, au besoin compulsif d’instaurer un temps artificiel, mécanisé à la manière de l’intelligence éponyme (…) Pendant ce temps, la jeunesse se pervertit sans vous, sans vous des amis tentent de se faire des amis, sans vous on se réalise ou on se déréalise, sans vous la bière coule, sans vous les avions décollent, sans vous la Chine reste la Chine et sans vous l’argent de la drogue est blanchi. "Merde, mais pense à l’organogenèse, la gastrulation, la neurulation, la prolifération des cellules du tube neuronal, puis l’horrible apoptose, ou la miraculeuse activation – initiation ! – des influx nerveux, le travail mystérieux des homéogènes qui sculptent la morphologie à partir de briques identiques pour toutes les espèces, qui parlent le mème langage pour toutes les espèces et qui font que la formule métaphysique de la cause finale d’Aristote s’expliciterait aujourd’hui en termes physico-chimiques." Intéressant, songe Oxtals, agitation cognitiviste susceptible de modifier pas mal de perspectives concernant l’espèce anthropoïde. Désirez cela avec la rage du converti : vous serez empoisonné par la délectable conviction hérétique du fauve. Vous ètes déjà fauvé. Nouez fermement cette volonté magnétique là, en votre tréfonds, et refaites surface, animal transfiguré pour l’aube nouvelle. (…) Votre beauté que j’ai odieusement confondue avec le divin, me déchire et m’humilie. Je l’ai dévorée à pleines dents, hyène, fauve avide, chasseur impénitent qu’à présent ses trophées hantent. Meute, éveillez-vous, faites justice ! ”



Amantium irae, amoris integratio est. (1)

110. En moi le dieu jaloux souffre;

un tout-puissant désir contrarié

qui btit des prisons

et creuse des tombes.”


112. Vous souvenez-vous, chers frères, de ce temps jadis ? La chose était bien plus commode pour nous. Trois croix sur le Golgotha, c’est le chiffre divin, après tout. Certes, mais le coût, cher ami, le coût. Pas seulement le coût, le nombre, toujours le nombre, et c’est ça qui est intéressant. Aujourd’hui c’est une génération entière qu’il faut mettre en croix pour que le message prenne force de révélation. Je vous l’accorde volontiers, face au désastre qui s’abat sur les consciences perdues, un seul martyr ne ferait plus le poids.

116. Tu ignorais ce que nous savons : que l’amour va directement du cœur à la main, et qu’alors la main est libre et divine. L’amante universelle ? Etonne-toi qu’elle porte atteinte à ta vie, certains soirs de fièvre, d’égarement et de détresse. Garde ta main dans la mienne, imprègne-toi de moi en rendant ta paume délicate et infiniment pénétrable.
119. Goutte, Déesse neuve, ce corps que mes dents étreignent. Ces morts ont une divine saveur, ils sont divinement consentant à communier : ”Je t’étreins, pécheur adoré, je rassemble tes restes, mes les fait miens en te refaisant valeureux pour le temps des temps, pour le siècle des siècles, tes os contre mes os se consolant de n’ètre qu’os, ton ventre contre mon ventre - lui aussi dénudé - se consolant de n’ètre que ventre, et que je chéris, et que je bénis car avec tes restes dont, enfin, je jouis, je nous ferai un Fils glorieux, glorieux car voué à une gloire commune, nous faisons de nous un miraculé, n’est-ce pas là la notre Bonne Nouvelle ?”




j’avais fait de lui un témoin pour les clans

121. – Es-tu un prodige ?

– (Dans un rire) Je suis ce que tu attends de moi.

– Et toi, qu’attends-tu de moi ?

– Quelque chose sans doute, mais en son temps et en son heure : bonté, surprise, hospitalité…

– Faut-il avertir les autres ?

– Pas la peine, ils savent.

– Savent quoi ?

– Où on est, avec qui, ils veillent.

– Nous en veux-tu ?

– De quoi ?

– De vous avoir enlevé ?

– Quelle question. On ne peut pas nous enlever. Nous accompagnons, tout naturellement.

– Tu es bizarre, étonnant.

– Absolument pas.

Pedro les avait revètus de jeans ou de pagnes emmenés à cet effet. La fille, encore mal éveillée, dormait le haut du buste et la tète sur mes genoux ; elle avait les cheveux de princesse, souples, emmèlés, plein de mèches à écarter du front, l’oreille ambrée que je pouvais caresser entre pouce et index. Plus tard on les mèlerait aux autres membres de la tribu babélienne. Echantillon de la horde, ni plus ni moins. On laisserait faire. La symbiose opérerait tout naturellement mais nous savions que le canular restait intact. Nul ne pouvait savoir d’emblée où le ciel se mèlait à la terre. Les terriens que nous étions pouvaient s’élever à lui, le ciel, les "célestes" s’accommoder d’elle, la terre. Un fragment, une facette du tableau de la veille prenait vie, participait en tous cas d’elle, la vie du camp, un aspect du tableau se sécularisait. Nous n’étions que trois à reconna”tre parmi ceux qui se nommeraient Juan, Matthieu et Dolce le profil de la sainteté ou de la fable.



ce qui est courbé on ne peut le redresser

126.  Je me trouve au pôle extrème de la sphère des génétiquement caducs qui introduirent dans la masse consensuelle des variations surannées promises à l’extermination ; je suis comme qui dirait un post-prématuré œuvrant comme les caducs à la "dégénérescence de l’espèce", mais avec clairvoyance, avec l’humble dessein d’en précipiter les effets, et, à ce titre, tout aussi clandestinement que paradoxalement, je la prolonge, je lui laisse une chance, un espace de transition… Je suis un dieu fatigué, provisoire et précaire qui porte la croix vermoulue de l’histoire, une croix il est vrai minuscule, simple gri-gri caché au revers de ma combinaison de chair prothétique. ”


dites-nous des choses agréables

128. Scruter, donc. Selon les nouvelles règles d’une science de l’évidence. Scruter les cœurs, les reins, certes, toujours. Mais, à la suite tous les autres organes et fonctions, à creuser désormais jusqu’à l’infrastructure sémaphysiologique. L’évidence appara”t alors comme la caducité de la chose hominienne, caducité lumineusement dévoilée, enfin ! Entreprise en faillite, dépôt de bilan, licenciement et démantèlement de l’ancienne structure. Ce qui demeure, le peu de oui qui reste après le procès en liquidation de tous les non, est du domaine de la valeur d’usage et d’échange anthropologique fossile. Une sorte de valeur fiduciaire historique dans la bulle du vivant. Involontairement les "manufacturiers" auront la fonction de cabinet d’expertise en vue de la réfection de la machine homme et sa bonne charge d’affect. Il en conclut que la sucharge "pondérale" du cerveau intriquée dans les autres composantes de l’espèce avait fini par la vouer à la finitude. Le nouveau régime correspondant donc bien à un nouveau Golem : un refaçonnage accompagnée de son évangile bien rafraîchi.



Au plus intime de cette action impétueuse opérait un aveu, un aveu proche de la dévotion : A part ce qui aurait été, je crois, un homme répondant au nom d’un Saint ; à part cette peut-ètre ultime année de déchirure et d’apothéose, daïmons, angelus, élus et élues par la grce de votre complexion, votre nature et votre vol sauvage au-dessus de l’écume des vagues décha”nées; à part vous, mes trop bien-aimés qui savez si bien vous passer de moi, prodiges de votre périlleuse élection ; à part vous, donc, que de brumes, que de rues peuplées de déserts, que de fenètres inhospitalières, que de morts à chaque carrefour, que de tristes ivrognes écroulés au pied d’un arbre fatigué, que de syllabes asphyxiées, que de versets versés au vide, que de vivisecteurs et de mal policés ! Aimer ! Aimer absolument, au point de dédaigner aussi absolument le monde tel qu’il serait sans vous, ainsi aura été et sera nôtre Œuvre, notre seul Grand-Œuvre, notre seule religion…

(1) La colère des amants engendre l’amour

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