SUCER LE
MIEL AU CREUX DES PIERRES
Eric Roncerel, gouache 1993
Le FONDS pour l’éveil
A quoi sert le sacrifice, ici celui de la croix pour nos
contemporains ? Cette croix
d’abord est non-apostolique ou, pour moi,
détournée à dessein de toute sa sainteté névrotique pour une bonne visibilité
universelle. Mais : d’abord c’est une croix pour avortons mâles, nés dans un
monde marchand-matriarcal,
c’est-à-dire un radeau de
la méduse, celle, plate, qui instaure ce monde aplati.
L’HOMONOVUS “ éveille ” ces mâles, joliment
exposés nus sur le symbole devenu ; le gri-gri des
hystériques et farfelus demeurés de tous poil, qu’on
éveille pour les inviter à
se glisser à nouveau dans la peau de “ l’homme
éternel ”, le guerrier noble, le
toréador racé, les indicibles clitoridiennes, les tendres
au cœur de héros, tous ceux qui du
hasard ont reçu en partage la nécessité d’une grâce. Avortons, sans doute
(biologiquement) mais “ sublimes ”, s’il en ont les capacités voire la
prédisposition… Nietzsche dit (Par delà Bien et mal) : “ Ce sont de tels
hommes (avortons) qui avec leur “ égalité devant dieu ”,.. ont regné jusqu’à nos jours sur le destin de l’Europe, jusqu’à
ce qu’enfin soit produite une espèce amoindrie, presque risible, un animal
grégaire, quelque chose de bienveillant, de maladif et de médiocre, l’Européen
d’aujourd’hui ! ”. Rajoutons l’effet machine à surpeupler
: l’Africain, l’Indien, l’Arabe, le Chinois tout ce qui, trop nombreux
s’entasse dans le char-navette de ramassage, dans la
benne pour avortons mème plus sublimes. Le résidu, tant pis ou tant mieux, ce
n’est plus le problème, pas plus pour le bipède que pour le rat. Donc le
sacrifice est inscrit dans la nature de la réalité bio-socio-capitalistique
pour éveiller et lui soustraire les adorables
Breachers.
Comment le Breacher “ transvalue”-t-il - le complexe de castration, la découverte
archaïque du désir de la mère dont il est l’objet perdu, donc des entrailles
fécondes de ce qui devient aussi l’impureté de la vie ? Freud attrape
la légende de Moïse pour créer le juif qui, lui, fait naître son Dieu Yahvé
terrible, en d’autres mots, pour établir son identité virile dans les plus
hautes sphères des Totems-tabous.
A tel point qu’il
s’imagine – découverte ! – le Golem, où
le Père fait naître
son fils en le tirant de la glaise, puis le sculptant à son
image. Le Père
devient fécond d’un fils "pur", pureté qui fera des
(é)mules: (Mahomet sort "pur", circoncis et sans cordon
ombilical du ventre de sa mère). Le christianisme fait
évoluer la chose en
apportant une poésie ou une perversion virile
intéressante. Le Fils de l’homme
sort des entrailles d’un hermaphrodite, une vierge femelle
inséminée par
l’esprit pur du Père dont il prend ensuite la place pour
ètre universellement
adoré. Il est l’objet hybride, le bébé et l’argent
du beurre, homme nu,
exhibant sa souffrance pour éblouir par sa loi subtilement
castratrice les fils
de famille cette fois doublement châtrés : il n’y a
plus ni père (tué par
Jésus) ni mère (à qui il est accordé
l’esprit du défunt) mais la Loi Matronne et Patronne d’une multinationale bientôt "femen" de prostitution.
L’histoire des religions, selon Boe-Freud,
aboutit à
la conclusion que l’homme crée l’homme, pour former la nouvelle
horde excitée, bruyante, au service du look "marquée"
jusqu’à l’in-supportable. Le
complexe de castration devient que je désire mon propre
désir, Narcisse (tant
il est vrai que les Grecs avaient tout compris) qui, s’il
n’était que frustré
de l’objet de son désir, meurt. Mais Narcisse, Nathanaiel,
sourds aux esprits du passé qui font écho vainement, sortent de la horde, beaux,
hybrides, fils de leur propre materpaternité, avancent
vers le miroir de la Rencontre, beaux, deviennent "le Tendre Guerrier", s’abouchent
avec leurs frères-sœurs, les je-nous de toutes Races (à
condition que la bionature les y prédispose) pour
leur transmettre leur souffle altrérotique. De leur étreinte jaillit la lumière du ciel avec ses étoiles guides et travailleuses.
Résumé de l’ouvrage © 2007
Sucer le miel au creux des pierres (Desnel
)
Reconnaissons tout d’abord que
le sacré et le
désir communautaire ont fait leur nid dans ce florilège
de “ métamorphoses étonnantes, tendres,
cruelles, charnelles“ Ce
livre d’exorcismes,
aux résonances multiples, forme une trame romanesque
prophétique où
dominent des personnages troublants, tour à tour bourreaux et
victimes. Les événements se déroulent dans la
moiteur subtropicale, “ entre jungle et
cité", à la frontière de l’Amazonie… Dans
un “ phalanstère ” à
proximité duquel passe la Horde, foule juvénile et
résiduelle d’une ère accomplie, des initiateurs attirent leurs candidats, scrute leurs cœurs et leurs reins. Tout
au long de ces pages, les "élus"
sont tenus de raconter une histoire, puis jugés à l’aura
qui s’en dégage, à la séduction que
leur parole mais aussi leur figure exerce sur les hôtes. Rejet des autres. La forme
fragmentaire de cette épopée épouse parfaitement son objet, des bribes de
textes terrifiants et autonomes échappés de bibles maléfiques, mèlent le
caprice criminel des politiques et des savants, ges ou sexes, catapultant la
chair dans le verbe ; ce Babel se construit sur les déchets humains de la
philosophie, de l’ethnologie et de la littérature, créant un secouement du
cerveau… On est tout d’abord effaré devant la cruauté de certaines images qui
nous est renvoyée de nous-mèmes, perduta gente.
L’homme a perdu son immense supériorité le jour où il a abandonné le divin,
sans perdre le souvenir d’y avoir cru. Il convient de se livrer à la
force et la richesse de ce texte, qui saisit de l’esprit autant que de
l’imagination.
EXTRAITS :
Envoyez-moi des gens, je les mangerai et les vomirai
rénovés
4. “ La route de
toutes les demandes, une brocante riche de perdition, du matériau non initié,
avec néanmoins quelques pièces de choix. A vos proies ! avait proclamé G.M. avec sa fougue habituelle. Sur ce
chemin, la horde quètait toujours quelque chose, une galette de maïs, une
drogue, un corps, rien que de l’ordinaire… Nous,
nous n’en voulons pas de l’ordinaire, nous sommes en chasse de prodiges ; on va
radicalement changer l’esprit de la maison, on va en finir, pour ce qui nous
concerne, avec l’ancien esprit, c’est notre prodigalité à nous, on ne réforme
rien, on transforme, nous le voulons informé du pire et, partant, infiniment
séduisant. Nous travaillons à mème un précipité, une matière du dedans, à la
manière des alchimistes. ”
C’est pourquoi je vais continuer de lui prodiguer des
prodiges
9. La horde a l’âge d’une violence latente, sa
sève est plutôt nerveuse, puisque sévit, tout naturellement, avec une
immémoriale brutalité – en raison de la rudesse qu’impose sa vie d’exil
–, la loi de la sélection. Qu’en sait-on de plus ? Que parmi elle
certains se prétendent “ modifiés ”par des mains manufacturières…
Mystification ? La question n’est pas de savoir qui ils sont, mais s’ils ont le
potentiel de devenir l’objet et le sujet de notre désir.;
nous les voulons prodiges, ductiles, images d’un désir disponible, prèt à ètre
affecté. Ou
appelant à elles un désir neuf.
ils empoignent arcs
et javelots, ils sont sans pitié
ce ne sont pas
nos mains qui ont versé ce sang
68. “ Réjouissons-nous que nos coutumes
n’aimantent pas plus que cela la mauvaise ferraille. Si la horde fait écho,
cela prouve bien que nos coutumes résonnent avec bonheur. Et quoiqu’elle
participe dans son ensemble de la masse critique, la horde contient de bons
restes, riches en intelligence
vitale qui ne demandent qu’à s’affecter en se bonifiant. Le mot d’Héraclite lui
va comme un gant : "Un objet au hasard abandonné, le plus bel ordre du monde".
Ouvrons nos portes à ces aimables dépôts. ”
Et encore et encore, nous
payerons cette inconséquence
d’infmes sacrifices ! Il faut cependant commercer avec la mort. Et
vite. Et
bien. Puisque la vie se résout en réseaux, se
dérouille en cédéroms et fait " intercourse " sur internet., laissons la
vivre et occupons-nous de l’à-mort, ça biologise
mieux : famines, massacres, agonies bien ressenties ; tortures et autres
chatouilles. De quoi on crève bien, la mort et l’à-mort
bien ajustés, comme chaussure à son pied, comme l’indifférence impavide – encéphalogramme plat après passage à tabac. Il ne s’agit pas de violence
gratuite, non ! oh non !, mais chèrement payée, pas de
souffrance aplatie sur interfaces et tabassage virtuel ! Phrases à précipités,
phrases virales, venez-à-nous, virus – j’accueille, me recueille et je nous offre à la chance…
Nous les subvertissons pour un monde autre.
La Circoncision.
Le rite n’est pas
nouveau, j’en conviens, mais il a perdu sa prestance. Il lui faut un nouveau
régime initiatique en vue d’une alliance nouvelle. Sinon, c’est clair, l’espèce
tout entière s’achemine tout droit vers son extinction. Face au précipice,
optons pour la lévitation. Pour cela le corps doit se soumettre à ce petit
prélèvement intime. Je te prédis une symbiose autre entre ton corps et ton
esprit, et pareillement entre ceux-ci et ceux des autres, un beau centaure
renaîtra de cette mutilation. Sinon, je te l’affirme, ta déchéance sera totale.
L’élégance
de la tragédie peut seule reconstituer l’unité perdue.
Si quelque chose
existait qui fût dieu et qu’il eût été possible de prendre un moment sa place,
j’emprunterais quelques minutes de son temps éternel pour raboter dans toute cette espèce dite humaine la part – trop
considérable ! – qui constitue sa nature veule et vile. Puis je la
laisserais vivre – ou revivre – nue, animalesque, mais plus guère bestiale…, sans autre chance que de rester belle ou de
disparaître. ”
Magie phéromonale… Le cheval calciné devait avoir pour
contre-pouvoir une parousie, comme la découverte d’une supernova conférait aux
cieux exsangues un fluide rénové dont des particules venaient ensemencer un
arpent d’univers. Quelque chose, quelqu’un prenait une forme scandaleuse pour
surprendre l’ennui assassin, pour exterminer la mort le temps d’une chimère …
“A quoi bon cette
tribu de si belle prestance si elle ne passe pas par notre couche et ne
s’émerveille guère de nos œuvres ? Si elle se gausse de nos imprécations et de
nos anathèmes ? Ses glorieuses agitations nous sont des crimes transmises de
génération en génération. On nous dit que, selon la logique d’une quelconque
scène primitive et pour que s’accomplisse sa destinée, on tue son père et on
couche avec sa mère. Mais on ne tue pas son père, on prend la place d’un
assassin : on ne couche pas avec sa mère, on connaît une femme pour qu’elle
ponde un assassin. Nous savons de l’espèce sa nature fratricide. Couvant au
tréfonds de son cœur égaré mille facettes d’un bonheur immonde et d’une joie
coupable, et faute d’invertir son impiété en enchantement et lumière, elle ne
procrée que du pire. Consumez-vous dans vos affres, rejetons vindicatifs et
impossibles, la désolation croissante de votre monde est
notre réconfort. Hors de cette abrupte vérité, nous suffoquerions d’inespérance. Nous sommes lâches pour d’héroïques raisons.”
34. Etions-nous
devenus sans le savoir et sans le vouloir les anges de l’apocalypse ?, mais
d’une apocalypse d’autant moins divine qu’elle avait été ourdie trivialement
par les victimes et les maîtres eux-mèmes, en parfait accord, qu’ils
succombassent au (ou vainquissent du) sort impitoyable dont ils avaient été les
initiateurs. Comme s’il nous était donné d’ètre, selon la formule, ” l’étreinte
invisible de la vie en son propre pathos ”, de par ces singulières
prédispositions immunitaires que possédaient désormais en quantité nos corps à
force de s’ètre frottés depuis si longtemps aux molécules, radiations et
contagions dissonantes qui s’entassaient et croissaient continûment dans
l’air.
36. Ne jamais oublier
ces quelques règles pratiques pour assurer la survie et la vie au monastère.
Faire en sorte que la horde sache qu’on ne peut ètre que modérément nourri ici,
qu’on ne cache aucun trésor autre que, mettons, spirituel, prudemment
hédonistique, que vous connaissez votre boulot de baston mais – que les
autorités soient rassurées – vous ne constituez pas une armée
clandestine… Regarde-moi faire, cher Arturo, ces corvées élémentaires confèrent
l’élégance aux plus extrèmes des pensées…
38. ” Ne plus surcharger l’empire
mondial du pouvoir trinitaire – argent-technique-monothéisme
religieux ou monocentrisme laïc – d’un superflu de Kultur,
de corps, de besoins unilatéraux. Il en déborde. Sept millards
de tètes : le résultat est pathétique, comme si toute la faune maritime se
trouvait comprimé dans un aquarium de mille mètres carrés, comme si toute celle
de notre proche Amazonie était parquée dans un jardin de banlieue, ou comme si
nous accueillions ici, dans notre observatoire, journellement, le flux tendu de la horde. Ne pas encourager
cette inflation est un devoir, certes, mais ne pas comprendre le mouvement qui
agit sur l’espèce et son biotope est un crime, celui du déni de la réalité. ”
42. mème si ses
fléaux leur arrachent des cris
Les corps
eux-mèmes paraissent peu à peu atteints par les effets de cette radiation. Ce
qui se présente sur l’épiderme comme une amorce de rides, constitue en réalité
d’infimes brisures. Imperceptiblement les tètes se fendillent, soulageant les
cerveaux de leur indigestion mentale. Les suppurations émotives se mèlent à
l’atmosphère, infectent l’air. Ce gaz affectif qui enlinceule toute chose, du
mème coup la rend apte à surprendre ou à ètre surprise, la met en condition
d’attendre preneur. Pas impossible qu’un cri déchirant ou un événement brutal
achèverait de fendre certains corps tout entiers, les
transformant en une matière liquide. Corps en flaques dans lesquelles
d’aucuns pataugeraient avec délectation.
tendez l’oreille, venez
vers moi, écoutez et vous vivrez
45. Il peaufinait
son rite : “ J’applique un sceau à mème la chair, une sorte de pacte
charnel, une alliance nouvelle manière qui vaudrait pour les deux sexes, une
petite mutilation qui les améliore; je cautérise leur morcellement en prélevant
un petit bout de chair. Oui, comme dans cette usine où j’irais bien faire
un tour, une circoncision à ma manière, fessière plutôt que phallique puisque
j’estime que derrière tout bel esprit se cache un beau derrière. Laissez-moi
vous expliquer… ” Il séquestrait durant quelques jours ses novices, en
faisait des esclaves amoureux, le temps de les mettre en condition. Puis, au
fa”te de son pouvoir d’initiateur, prélevait un "dé de fesse" sur leur
anatomie, blessure initiatique laquelle, une fois joliment cicatrisée, marquait
la (ou le) novice d’une petite balafre de beauté, comme on eût dit un tache de
beauté. Un surplus d’âme È, précisait Enrique
46. Vous voilà en
proie au chaos, déterritorialisés, sans boussole ni sextant, dérivant sur un océan
qui davantage chaque jour se démonte. Derrière vous, nul port d’attache, à
l’horizon, nulle terre.
Vois, je le bénis, je le rends fécond
54. Rudoyer
l’espèce jusqu’à la métamorphose ! et que ça saute !
Le vieux cheptel, on s’en contre-moque,
tout destin
est bon pourvu qu’il soit fatal ! On ne le pleurera pas ! Seule la
sève de
jouvence mérite louange et encouragement, à condition
qu’elle pousse ses formes à s’épanouir avantageusement et
soit de nos mains captive ! Et tout sera fait,
tout sera dit.
56. Il ne s’étonnait pas trop (il s’en
amusait volontiers) qu’on lui collt (à lui et aux initiateurs) des épithètes
tels que "L’Oreille qui parle", "Le Chamanon", "Le
Raboteur" ou "L’outre-solipsisme", ou encore, plus
banalement, le "maître de céans". Cela relevait plutôt de la poésie, des usages
amérindiens relevés par les ethnologues
il y aura des cours
d’eau abondants au jour du grand massacre
65. Avise le sol,
bipède turgescent. Tu piétines leur ventre, Mater gluante ou desséchée,
prolifique de larves ou de scorpions. Tes jambes sont des pales, marcher sur
elles, patauger dessus, revient à les féconder pour qu’en émergent les
générations futures – peu importe la forme – carnassières, virales
mais étonnement cosmiques sans aucun doute. T’ignorais cela, que ton corps mort
pouvait ètre fécond par là où tu l’ignorais et que, je parie, tu l’ignores
encore ! Je te ferai un dessin le jour propice.
ils chassèrent les
fils d’arrogance et l’entreprise réussit
entre leurs mains
66. Et nous de
rire : "Mais qui prouve seulement que cet ordre existe ? Qui prouve que
quiconque nous voit ? Et si la structure du monde c’était nous ? Et si c’était
nous aussi qui avions allumé, une à une, toutes les étoiles du firmament tout
comme, une à une, selon notre bon vouloir, nous les éteindrons ?"
celui qui dispute avec Shaddaï a-t-il à critiquer ?
70. Dans le ranch,
peu après, se mit à circuler la rumeur que G.M. était mort. Mort depuis
longtemps de surcroît. Avant mème son installation dans le camp ! Sa tour
méritait donc bien le nom de "Mausolée". Etait-ce une nouvelle ruse de
l’intéressé ?
Je l’effacerai dessous le ciel
71.
“ Tous ceux qui, ayant le talent de comprendre et tous
ceux qui, comprenant, nous séduisent par quelque prodige mais qui, après nous
avoir séduits, se dérobent soudain comme on reprend une parole, tous ceux-là
paieront pour leur impudence. Tous ceux qui entrent dans notre groupe avec le
laissez-passer d’une prodigalité, puis trahissent ce privilège et décevant
leurs hôtes, seront maudits et renvoyés dans la horde. Tous ceux qui craignent
les rites de passage auxquels ils ont consenti à se soumettre, puis reculent
vaincus par cette crainte, seront bannis de la communauté et, dans la solitude
de leur morcellement et les épreuves de leur errance, devront trouver d’autres
ressources d’inventivité ou disparaïtre ”
il ma délivré, donné
du large
78. “ Nous sommes perdus, comme l’objet
d’Héraclite déjà évoqué, et en cela nous sommes le plus bel ordre du monde.
Peuplez-moi ça juste ce qu’il faut de prodiges. ”
je suis celui qui
scrute les reins et les cœurs
80. ” …
Songer promptement à la réparation du défaut constitutif à l’ensemble
– à l’instar d’autres règnes du vivant dont
il est vrai, si biparité il y a, celle-ci ne porte
pas à conséquence. Le mollusque n’est pas défaut, le rut du poisson chat ne se
manifeste pas en rle sous ma fenètre, on ne demande pas aux rats de rédiger
une Déclaration des droits des rongeurs ni à un colibri de chanter la Traviata,
seul le double Sapiens ne se contente pas de compter les lunes, il lui vole le
Symbole. ”
le jeune
homme aura le mème sort que la vierge
82. Alors réjouissez-vous dans vos cubes, vous ètes soumis à un
rite, votre désincarnation physique est une initiation, le monde vrombit, rugit
au son des roaring-men, des chamaniques esprits, des medecine-men ; oui, entrez dans votre cube et
préparez-vous, en dormant, à un voyage galactique hors l’espace-temps, car dans
l’espace-temps immédiat et rance vous n’avez plus rien à faire. Devenez
métaphysiques, oui, c’est cela, devenez métaphysiques, vous n’en pouvez plus de
ne point l’ètre, hors d’elle le réel n’a qu’une valeur de travail, de sueur et
d’ennui pornographique, hors d’elle la réalité est impure, hors d’elle, mème le
monde des germes devient fiction mauvaise. Ne sortez surtout pas de votre cubateur ! Pas avant que le rève métaphysique ne vous
réveille et vous refasse une santé.
83. Alors entrez dans vos cubes
et faites-vous invisibles pour rena”tre là où nul ne ment plus ; faites
confiance à votre couette et attendez – ce jour prodigieux, après la
tornade – le clonique baiser qui vous tireras rénovés des bras de
Morphée. Parole de Natanaïel ! ”
toi qui est assise au
milieu des jardins
84. Tu m’as attiré à toi et m’ordonnais
d’abuser de ton corps vierge. Puis, toute en effervescence, cette
injonction : "Transperce-moi,
viole-moi, tue-moi !" Nous voilà au cœur
du désastre, voilà ce qui sur les ruines de la parole abyssale du dieu
halluciné menace la Terre et ses corps souffrants. Il faudrait sauver mille
fois ces corps de l’ordre des nouveau pères pervers qui sont en passe
d’instaurer leur terreur nouvelle
mieux vaut un gamin
insensé mais sage
87. A terme on pressent que le Rien, bien
réel, si bétonné d’impossible, n’est pas définitif, qu’il n’est qu’une
interface dans le plein ou le vide instructurés
– ou, encore, plus charnellement, un spasme se jouant perpétuellement du
vide et du plein, régnant comme une idole creuse sur l’improbable foisonnement
du chaos.
peut-on sucer le miel
dans le creux des pierres ?
92.
Réponse de G.M. : Il y a des tètes qui ne résistent pas au regard lucide
qui les observe. Ces créatures-là n’auront pas le destin facile, la
violence les guette, ils sont éminemment mobilisables mais quelque peu bavards
93.
Le je
s’efface pour céder la place aux mythes résistants. Observons des
formes de vie tératologiques – main,
œil, oreilles, tous sens en symbiose – voilà une peine : une femme qui colle sa tète à celle d’un homme blessé – voilà un drôle d’oiseau
dragon – voilà une table
austère avec dessous juste des jambes paysannes – voilà le lézard dont la queue sectionnée
repousse – voilà deux
garçonnets dans un arbre – voilà
un phallus de centaure dont l’éjaculat étincelant vient à consteller le ciel – voilà tout un petit monde qui se distrait
entre ville, montagne, forèt et qu’allaite une opulente femme buisson au con
solaire. Je ne retournerai pas à Chicago ou Paris, je rentre dans mes terres,
je suis assez riche de dépense avec ou sans emploi pour réhabiliter "la pègre
et les rois". Mon nom est Florian, sorti du creux des pierres, je t’aime, ce
soir, sous la tente, buvons, fumons.
en tout animal ne
sacrifie que la bète
93/94. Dans
cet Empire où dieu l’Unique, dans sa toute puissante bestialité, nous enseigne
l’infidélité, l’indifférence, le cynisme, le mépris de l’autre (…) Demeure un
rève : un beau rève chaleureux : réinstaurer les brûlures de l’enfer,
ferveur dantesque pour un corps fiévreux et désir compulsif pour mes folles :
toute la poésie de la cruauté primordiale ; la quète difficile mais passionnée
parsemée de trèves, de provisoires espaces de rédemption. Désirs, douleurs,
conflits, réconciliations, rires, larmes. Que dieu sorte de la bouche des morts
et nous réapparaisse diabolique, c’est-à-dire Centaure multiple drapé de
splendeur coupable et d’amour rebelle pour d’ardentes chairs à jamais
inassouvies et toujours disponibles !
voici un homme dont le
nom est germe
98. Sexe, sexe, je
t’en conjure, continue de me surprendre, persiste dans ta pénétrante volonté !
Les accouplements étaient clandestins. Plus question d’ètre pascalien, plus
question de faire ployer la machine ; il fallait la dérégler quand l’occasion
se présenterait… Absolument mixer les identiques et les brutes. Il voulait
dérégler ses vaches (en mettant justement à profit leurs périodes de rut…) afin de donner sens à son labour, à sa fermette et à
tout ce qui s’y passait. Il voulait faire de son petit cheptel un cheptel
d’exception, réintroduire de la nature dans la nature dénaturée et observer
cette expérience d’un genre nouveau…
afin de faire trembler
les cœurs, de multiplier les chutes
102. Il a beau plonger comme à l’aveuglette, ce
saut est avant tout esthétique et audacieux, il rend léger le corps et, partant
le protège des abysses plutôt qu’il ne l’y projette. Car l’homme ne chute pas,
il transdescande d’un degré trop haut placé dans le
désordre – d’un degré extrème – vers une profondeur rassurante, et
depuis longtemps oubliée. ”
et ils reconnaîtront
que je t’ai aimé
103. On écoute parler la
grille de la fable au
jour le jour s’inventant. Notre petit spectacle tonifiant, dans le
grand jeu
exsangue, sans cesse nous ressuscite et nous distrait de nos manques et
de nos épuisements. Savoir le peuple malhonnète nous est
une chance que nous mesurons à l’aune de notre propre ruse.
Toujours nous cultivons l’inquiétante étrangeté ; notre nocturne reptation fait sursauter la maisonnée
indolente. Le gaz émotif
nous nourrit, le mal pur orne de bracelets d’or tes poignets habiles.
Nos
turpitudes extra-fœtales, l’amour des mots en suspens,
les seuls qui forment des plis toujours prèts à se déployer, qui tranchent à contre-matière, le bonheur jubilatoire d’inventer des
ab”mes comme d’immenses fosses pour y ensevelir ce qui se veut trop humain.
Innombrables les fables qui engendrent le désordre. L’épouvante nous est un
baume, la rage nous muscle le cœur, le creux des pierres nous distille du
miel. ”
je mettrai sur tous
les reins un sac
105. La grande
question : est-ce la mchoire cannibale qui génère les conflits, la peur et le
pouvoir, ou l’inverse ? La cause première est-ce la proie offerte à la
dévoration, ou l’outil qui institue le dispositif de la chasse ? Il paraît
juste d’affirmer, se dit-il, que le désir de dévoration est le désir fondateur,
du protozoaire au sommet du vivant : l’hominien “ subtil ”, doté de mille
petits désirs de dévoration, de mille petites mâchoires et de cette
intelligence constamment en éveil qui s’emploie à diversifier ses proies et qui va mème jusqu’à en créer ex nihilo pour nourrir sa rage
dévoratrice (…) Nous n’enterrons pas nos
morts par tendresse pour les vautours, ces martyrs ailés, ces défunts de
toujours que la mort enivre. Donc, la rage de vivre ne se conçoit que dans
un milieu de plus en plus hostile auquel nous a convié malgré lui le charnier
humanitaire d’une autre ère, pour un temps expurgé de ses coquetteries vénales…
mais l’esprit lui-mème
intercède en nous en gémissements inexprimables
106.. On détruira sans doute un jour l’immunité
du vivant en instrumentalisant le principe de vitalité à la manière de la
théorie de l’information généralisée. Le forage au plus intime, au plus profond
du vivant répondra, à cet égard, au besoin compulsif d’instaurer un temps
artificiel, mécanisé à la manière de l’intelligence éponyme (…) Pendant ce
temps, la jeunesse se pervertit sans vous, sans vous des amis tentent de se
faire des amis, sans vous on se réalise ou on se déréalise, sans vous la bière
coule, sans vous les avions décollent, sans vous la Chine reste la Chine et
sans vous l’argent de la drogue est blanchi. "Merde, mais pense à
l’organogenèse, la gastrulation, la neurulation, la
prolifération des cellules du tube neuronal, puis l’horrible apoptose, ou la miraculeuse activation
– initiation ! – des influx nerveux, le travail
mystérieux des homéogènes qui sculptent la
morphologie à partir de briques identiques pour toutes les espèces, qui parlent
le mème langage pour toutes les espèces et qui font que la formule métaphysique
de la cause finale d’Aristote
s’expliciterait aujourd’hui en termes physico-chimiques." Intéressant, songe Oxtals, agitation cognitiviste susceptible de modifier pas
mal de perspectives concernant l’espèce anthropoïde. Désirez cela avec la rage
du converti : vous serez empoisonné par la délectable conviction hérétique du
fauve. Vous ètes déjà fauvé. Nouez fermement cette
volonté magnétique là, en votre tréfonds, et refaites surface, animal
transfiguré pour l’aube nouvelle. (…)
Votre beauté que j’ai odieusement confondue avec le divin, me déchire et
m’humilie. Je l’ai dévorée à pleines dents, hyène, fauve avide, chasseur
impénitent qu’à présent ses trophées hantent. Meute, éveillez-vous, faites
justice ! ”
Amantium irae, amoris integratio est. (1)
110. En moi le dieu jaloux souffre;
un tout-puissant désir contrarié
qui btit des prisons
et creuse des tombes.”
112. Vous
souvenez-vous, chers frères, de ce temps jadis ? La chose était bien plus
commode pour nous. Trois croix sur le Golgotha, c’est le chiffre divin, après
tout. Certes, mais le coût, cher ami, le coût. Pas seulement le coût, le
nombre, toujours le nombre, et c’est ça qui est intéressant. Aujourd’hui c’est
une génération entière qu’il faut mettre en croix pour que le message prenne
force de révélation. Je vous l’accorde volontiers, face au désastre qui s’abat
sur les consciences perdues, un seul martyr ne ferait plus le poids.
116. Tu ignorais
ce que nous savons : que l’amour va directement du cœur à la main, et qu’alors
la main est libre et divine. L’amante universelle ? Etonne-toi qu’elle porte
atteinte à ta vie, certains soirs de fièvre, d’égarement et de détresse. Garde
ta main dans la mienne, imprègne-toi de moi en rendant ta paume délicate et
infiniment pénétrable.
119. Goutte, Déesse neuve, ce corps que mes
dents étreignent. Ces morts ont une divine saveur, ils sont divinement
consentant à communier : ”Je t’étreins, pécheur adoré, je rassemble tes restes,
mes les fait miens en te refaisant valeureux pour le temps des temps, pour le
siècle des siècles, tes os contre mes os se consolant de n’ètre qu’os, ton
ventre contre mon ventre - lui aussi dénudé - se consolant de n’ètre que
ventre, et que je chéris, et que je bénis car avec tes restes dont, enfin, je
jouis, je nous ferai un Fils glorieux, glorieux car voué à une gloire commune,
nous faisons de nous un miraculé, n’est-ce pas là la notre Bonne Nouvelle ?”
j’avais fait de lui un
témoin pour les clans
121. – Es-tu
un prodige ?
– (Dans un
rire) Je suis ce que tu attends de moi.
– Et toi,
qu’attends-tu de moi ?
– Quelque
chose sans doute, mais en son temps et en son heure : bonté, surprise,
hospitalité…
– Faut-il
avertir les autres ?
– Pas la
peine, ils savent.
– Savent
quoi ?
– Où on est,
avec qui, ils veillent.
– Nous en
veux-tu ?
– De quoi ?
– De vous
avoir enlevé ?
– Quelle question.
On ne peut pas nous enlever. Nous accompagnons, tout naturellement.
– Tu es
bizarre, étonnant.
– Absolument
pas.
Pedro les avait
revètus de jeans ou de pagnes emmenés à cet effet. La fille, encore mal éveillée, dormait le haut du buste et la tète sur
mes genoux ; elle avait les cheveux de princesse, souples, emmèlés, plein de
mèches à écarter du front, l’oreille ambrée que je pouvais caresser entre pouce
et index. Plus tard on les mèlerait aux autres membres de la tribu
babélienne. Echantillon de la horde, ni plus ni moins. On laisserait faire. La
symbiose opérerait tout naturellement mais nous savions que le canular restait
intact. Nul ne pouvait savoir d’emblée où le ciel se mèlait à la terre. Les
terriens que nous étions pouvaient s’élever à lui, le ciel, les "célestes"
s’accommoder d’elle, la terre. Un fragment, une facette du tableau de la veille
prenait vie, participait en tous cas d’elle, la vie du camp, un aspect du
tableau se sécularisait. Nous n’étions que trois à reconna”tre parmi ceux qui
se nommeraient Juan, Matthieu et Dolce le profil de la sainteté ou de la fable.
ce qui est courbé on
ne peut le redresser
126. Je me trouve au pôle extrème de la
sphère des génétiquement caducs qui introduirent dans
la masse consensuelle des variations surannées promises à l’extermination ; je
suis comme qui dirait un post-prématuré œuvrant comme
les caducs à la "dégénérescence de l’espèce", mais avec clairvoyance, avec
l’humble dessein d’en précipiter les effets, et, à ce titre, tout aussi
clandestinement que paradoxalement, je la prolonge, je lui laisse une chance,
un espace de transition… Je suis un dieu fatigué, provisoire et précaire qui
porte la croix vermoulue de l’histoire, une croix il est vrai minuscule, simple
gri-gri caché au revers de ma combinaison de chair prothétique. ”
dites-nous des choses
agréables
128. Scruter,
donc. Selon les nouvelles règles d’une science de l’évidence. Scruter les
cœurs, les reins, certes, toujours. Mais, à la suite tous les autres organes et
fonctions, à creuser désormais jusqu’à l’infrastructure sémaphysiologique.
L’évidence appara”t alors comme la caducité de la chose hominienne,
caducité lumineusement dévoilée, enfin ! Entreprise en faillite, dépôt de
bilan, licenciement et démantèlement de l’ancienne structure. Ce qui demeure,
le peu de oui qui reste après le procès en liquidation de tous les non, est du
domaine de la valeur d’usage et d’échange anthropologique fossile. Une sorte de
valeur fiduciaire historique dans la bulle du vivant. Involontairement les "manufacturiers"
auront la fonction de cabinet d’expertise en vue de la réfection de la machine
homme et sa bonne charge d’affect. Il en conclut que la sucharge "pondérale" du cerveau intriquée dans les autres composantes de l’espèce avait
fini par la vouer à la finitude. Le nouveau régime correspondant donc bien à un
nouveau Golem : un refaçonnage accompagnée de son évangile bien rafraîchi.
Au plus intime de cette action impétueuse opérait un
aveu, un aveu proche de la dévotion : A part ce qui aurait été, je crois, un
homme répondant au nom d’un Saint ; à part cette peut-ètre ultime
année de déchirure et d’apothéose, daïmons, angelus,
élus et élues par la grce de votre complexion,
votre nature et votre vol sauvage au-dessus de l’écume des
vagues décha”nées; à part vous, mes
trop bien-aimés qui savez si bien
vous passer de moi, prodiges de votre périlleuse
élection ; à part
vous, donc, que de brumes, que de rues peuplées de
déserts, que de fenètres
inhospitalières, que de morts à chaque carrefour, que de
tristes ivrognes écroulés au pied d’un arbre
fatigué, que de syllabes asphyxiées, que de versets
versés au vide, que de vivisecteurs et de mal policés ! Aimer ! Aimer absolument, au point de dédaigner aussi
absolument le monde tel qu’il serait sans vous, ainsi aura été et sera nôtre Œuvre, notre seul Grand-Œuvre, notre seule
religion…
(1)
La colère des amants engendre l’amour
©2003/2007