UNE MACHINE À FAIRE DES DIEUX

« L’Humanité gémit, à demi écrasée, sous le poids des progrès qu’elle a faits. Elle ne sait pas assez que son avenir dépend d’elle. À elle de voir d’abord si elle veut continuer à vivre. À elle de se demander ensuite si elle veut vivre seulement, ou fournir en outre l’effort nécessaire pour que s’accomplisse, jusque sur notre planète réfractaire, la fontion essentielle de l’Univers, qui est une machine à faire des dieux. »

H. Bergson.


Nulle sentence magique, nul totem, ni danse ni chant. Seuls, ici, la vacuité et le silence pour atteindre l’effroi.
Un crissement de chair froissée, on tend l’oreille.
La plume dans la main crispée, les ingédients sont le jeûne et la paranoïa.
C’est alors que tout devient simple, l’impossible, le caché, l’obscur font place à l’évidence. Et c’est cette évidence qui semble prendre le contrôle de mes nerfs. Je les vois sortir de ma peau, gazon blanc, ça suinte le sang et la sueur. Très vite, comme pour conjurer la peur, les petits filaments s’enroulent autour de l’appendice, qui se gorge d’encre noir. Les yeux à peine ouverts, l’image est floue. Instananée stroboscopique, je scanne mon épine dorsale.
Une autre scène s’offre à moi, d’autres dieux se déchirent.
Combat de mutants, qui, une fois révélé, ira rejoindre la cosmogonie nouvelle.


 

Chaque jour un autre affrontement se prépare, chaque nuit un exorcisme m’en sépare.
Délesté de ce poids, je m’endors, épuisé et serein. C’est dans mon dos que cela se passe. Dans le vôtre également, je les vois. Ils se déchirent jusqu’à la triste symbiose, et vous dévorent, vous hantent.
Face à ce spectacle obscène et terrifiant, je prends ce don antique pour une malédiction : je vois des dieux qui n’existent pas.

Mais je pressens, à leur aura, des figures immanentes avec lesquelles je me signe, et nous inventons un rite à notre mesure…

D.C.

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© Pellican, 2001 - 2002

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