Mort parce que Bête

Friedrich Nietzsche Couverture Mort parce que Bête
Parc Édition
Titre
Mort parce que Bête
Auteur
Friedrich Nietzsche
Collection
Collection Grise 10 x 15
Type
Taille
80 pages
ISBN
978-2-91-201006-3
Publié
Couverture

Présentation

Extrait de la préface de J. Gok Les « Notes de la maladie »…

Une ombre plane sur l’état mental de Nietzsche pendant les onze années qui séparent son « effondrement » de Turin, début janvier 1889, et sa mort, survenue le 25 août 1900 à Weimar. N’oublions pas le témoignage de son plus intime ami et collaborateur, Heinrich Koeselitz, à l’époque même de son internement à Iéna : « Il me faisait l’effet de simuler la folie. » Dès cette période, il est et il reste en effet difficile, de faire la part de la régression dépressive du philosophe et de la ruse. (…) Car cet effondrement a été si laborieusement occulté, puis commenté, il a induit tant de spéculations, provoqué tant de passions, et, en fin de compte, jusqu’à nos jours, il a si superbement servi l’œuvre du philosophe, qu’on est en droit de se demander si ce n’est pas Nietzsche lui-même qui a orchestré, ironiquement, les facteurs indécidables, les éléments alchimiques qui façonnent, dans l’alambic du temps, la pérennité de l’œuvre.(…)
[…]
On sait cependant que Nietzsche s’était remis à rédiger des notes durant la période qui suit son « effondrement ». La dernière, une des rares qui soient datées, a été répertoriée en mars 1897, soit trois ans avant sa mort en 1900. On sait aussi que cette période est celle où va débuter le règne d’Élisabeth Förster-Nietzsche ; une période où les collaborateurs (et copistes) d’édition ont été recrutés, congédiés et remplacés selon leur aptitude à se conformer ou non aux « exigences » de la directrice des Nietzsche Archive. Avec l’entrée en scène d’Élisabeth Förster-Nietzsche, commençait une période de récupération idéologique de Nietzsche, mais aussi, parallèlement, de mise sous le boisseau, de destruction ou de dissimulation de textes jugés « sensibles » (antichrétiens, anti-prussiens, philo-sémites…). C’est également une période de guerre intestine au sein même des archives, notamment entre mère et fille : « Il est sûr que, si [ÉFN] n’obtenait pas de la part de sa mère et des autres membres de la famille, les pleins-pouvoirs sur l’œuvre de son frère, elle aurait détruit plusieurs lettres et manuscrits. » […] « De fait, la sœur de Nietzsche [mais également la mère] a brûlé, détruit ou mutilé quantité de feuilles manuscrites et de lettres " désagréables " » (1). Il était normal que dans ces conditions certains collaborateurs, souvent des proches amis du philosophe, aient voulu sauver ce qui pouvait l’être.
Contrairement à la plupart des écrits de Nietzsche d’avant l’effondrement, les « notes de la maladie » ont été rédigées dans le désordre, la majorité sans dates, peut-être souvent à la sauvette à la faveur de nombreux moments de rémission, qui, selon tous les témoignages, suivirent l’internement de Nietzsche à Iéna. Apparemment, le copiste, quel qu’il soit, a opéré une sélection des fragments les plus significatifs de ces moments de lucidité (1889-1892 ?). Les recherches entreprises par notre équipe depuis plus de vingt ans selon la méthode comparative perspectiviste du philologue Jean Levrain, confortent sérieusement cette thèse. En tout état de cause, seul le contexte où elles ont vu le jour, à la fois éclaire et explique l’intérêt de ces épigrammes, leur étrangeté, voire même leur caractère à première vue « problématique ». Et, de fait, des recherches effectuées par d’autres équipes, notamment en ex-RDA, « ont révélé que quantité de documents n’ont pas pu être reconstitués et doivent être considérés comme perdus. […] Dans d’innombrables autres documents, des fragments manquent, ont été égarés ou ont disparu » (1). (Rappelons que les lettres de Nietzsche à Köselitz, retenues par ce dernier après son départ des Archives, ont réapparu « mystérieusement » dans les archives de Weimar, un jour de 1924, soit six ans après la mort du détenteur…). Ce que nous pouvons affirmer, pour notre part, est que la copie de cette sélection des notes de la maladie a été remise, peu après l’entrée des troupes américaines dans la zone de l’Allemagne devenue la RDA, à un chercheur, membre de la Lacunar Society de Nothingham, germaniste comme nous. Si elles n’ont pas été adressées aux Archives de Weimar, la raison vraisemblable en est que leur détenteur et copiste initial savait qu’elles ne pouvaient qu’alimenter, autour de l’œuvre de Nietzsche, une polémique alors en plein déchaînement, et qu’il n’était pas à même de déterminer, compte tenu des conditions de leur rédaction, si elles serviraient ou desserviraient la pensée du philosophe.
Aujourd’hui cette œuvre est suffisamment connue et reconstituée, malgré les lacunes et pertes évoquées par les récentes études sur les écrits de Friedrich Nietzsche, pour que nous offrions ces fragments au jugement d’autres experts.
(1) W.D. Hofmann, « Geschichte der Nietzsche Archiven », (de Gruyter, Berlin)

Extraits des notes (bilingue)

9

La foule est une somme d’erreurs qu’il faut corriger.

Die Menschenmenge ist eine Summe von Fehlern, die man korrigieren muss.

10

Peu importe que je meure dans mon lit ou en chaire* […] une main dans la tombe […], l’important est que je sois mort en bel ordre.
* Lehrstuhl : chaire - Lehnstuhl : fauteuil.

Egal ob ich in meinem Bett oder im Leh[r]stuhl sterbe[…] ein Hand im Grab[…], wichtig ist dass ich in schöner Ordnung sterbe

11

Qu’on m’apporte mon VanHouten * ou je commets un chocolat !

Bringe mir mein Vanhouten oder ich begehe eine Schokolade!

12

Ma maladie n’a pas de cause, échappe [à toute] opinion ; elle est pur effet d’induction à partir d’éléments in- et extrinsèques n[oués] en ma personne.

Meine Krankheit hat keine Ursache, entzieht [sich jeder] Meinung. Sie ist rein induktive Wirkung von inne- und aussenwohnenden Faktoren, die in meiner Person zugeschn[ürt] sind.

13

Dieu est mort par la bêtise de Ses c[réatures], bêtise qui consistait à l’inventer à leur propre image. Double bévue dont moi seul connais la recette de la [réparation], n’étant pas seulement double mais ayant réussi à multiplier mes géométries…

Gott ist an der Dummheit seiner Kreaturen gestorben, welche darin bestand, ihn nach ihrem eigenen Bilde zu schaffen. Doppelter Missgriff, deren Rezept des Wiedergutmachens ich allein kenne, denn ich bin nicht nur doppelt, sondern mir ist es gelungen meine Geometrien zu multiplizieren.

14

J’ai percé le Gothard pour fournir un passage à mes perspectives avec un […] bourré de dynamite.

Ich habe den Gothard durchbrochen, um meinen Perspektiven mit […] vollgestopft mit Dynamit einen Durchgang zu verschaffen.

64

J’ai mangé le rouleau qui contenait dieu. Mes selles en sont témoins…

Ich habe die Schrift-Rolle die Gott enthielt gegessen. Meine Exkremente können das bezeugen…

http://ora-web.swkk.de/nie_biblio_online/nietzsche.vollanzeige?p_ident=12673

Texte original allemand

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